Ou comment nous nous cuisinons nous-mêmes…
Cette année, en 2023, une étude surprenante a été publiée par le Centre commun de recherche de la Commission européenne. La version anglaise du rapport est disponible ici.
Ce qui est le plus frappant dans ces conclusions, c’est que quel que soit le scénario du GIEC qui deviendra réalité, on s’attend à une augmentation du tourisme. Ce qui laisse encore plus perplexe, c’est que plus la planète se réchauffe, plus l’impact semble positif. Le dernier paragraphe du rapport contient la déclaration suivante : “L’impact global attendu sur la demande de tourisme européen est considéré comme positif, avec une augmentation attendue de 1,58% dans le cadre du scénario de réchauffement le plus extrême…”. Il s’agit d’un scénario prévoyant une hausse effrayante des températures de 4 degrés.
Heureusement, les auteurs eux-mêmes la nuancent. Ils prévoient un déplacement du tourisme du sud vers le nord, avec des conséquences potentiellement négatives pour les hauts lieux actuels du tourisme méridional. Dans le même temps, cela suggère une croissance du tourisme dans les régions nordiques telles que le Pays de Galles, les Pays-Bas, l’Allemagne et les pays nordiques. Mais est-ce vraiment positif ? Réduisons-nous le tourisme excessif dans le sud ou créons-nous de nouveaux goulets d’étranglement ailleurs ?
Les auteurs critiquent également leur propre méthodologie. L’indice climatique du tourisme (ICT), qui repose sur une poignée de paramètres météorologiques, s’avère insuffisant pour rendre compte de toute la complexité du tourisme.
Doutes …
Mais le plus important est le manque de nuance quant à l’impact de tous ces scénarios. Ou plutôt, il s’agit d’hypothèses (le changement climatique et son impact sur le tourisme) sur des hypothèses (le changement climatique lui-même). Qu’en est-il des différents points de basculement de cette question ? Et si les calottes glaciaires fondaient beaucoup plus vite ? Que se passe-t-il si les différents courants des océans et des cieux s’arrêtent ou s’inversent ? Et si …
Soyons précis : où seront logés tous ces touristes supplémentaires aux Pays-Bas si de grandes parties du pays risquent d’être inondées par une hausse de température de 4 degrés ?
En outre, l’étude n’offre aucun lien avec des tendances plus générales. La migration climatique est déjà une question pressante sur les médias sociaux, les gens se demandant où vivre en sécurité dans un monde qui change rapidement. Qu’en est-il des ressources en eau potable dans les régions menacées de pénurie ? Les populations locales seront-elles disposées à partager leurs maigres ressources avec les touristes ? Et quelles sont les implications économiques ? Pouvons-nous nous en tenir au mantra de la croissance illimitée ?
Enfin, posons une question éthique : Est-il moral de mettre en avant la croissance de l’industrie du tourisme alors que des millions de personnes peuvent (vont) souffrir des conséquences brutes du changement climatique ?
Le changement climatique n’est peut-être pas si bon pour le tourisme!
En bref, l’idée que le changement climatique est une aubaine pour le tourisme semble simpliste et ne tient pas compte du contexte général. Ne serait-il pas plus judicieux d’investir les fonds européens dans la recherche et les projets susceptibles de rendre l’industrie du tourisme neutre en carbone ou, mieux encore, régénératrice ? Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’études et d’initiatives axées sur un avenir durable, plutôt que de nous séduire avec des rêves de boom touristique dans un monde qui est peut-être sur le point d’imploser.